Les Anti-Lumières par Zeev Sternhell. Recension de Jean-Clément Martin.

Recension écrite et publiée par Jean-Clément Martin dans les Annales Historiques de la Révolution Française.

Jean-Clément Martin est professeur émérite de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien directeur de l’institut d’Histoire de la Révolution française. Il a consacré de nombreux livres à la Révolution française comme à la Contre-Révolution et à leurs mémoires.

Cette recension concerne l’ouvrage de Zeev Sternhell, Les anti-Lumières. Une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide, Édition revue et augmentée, Collection Folio histoire (n° 176), Gallimard. Parution : 30-04-2010

http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-histoire/Les-anti-Lumieres

Zeev Sternhell, Les anti-Lumières. Une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide, Édition revue et augmentée, Collection Folio histoire (n° 176), Gallimard. Parution : 30-04-2010

La revue Annales Historiques de la Révolution Française : https://journals.openedition.org/ahrf/

Annales Historiques de la Révolution Française n°372 – avril-juin 2013 : https://journals.openedition.org/ahrf/12806

Recension de l’ouvrage de Zeev Sternhell par Jean-Clément Martin, « Zeev Sternhell, Les anti-Lumières. Une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide », Annales Historiques de la Révolution Française, n°372 – 2013, p. 168.

Cette réédition d’une œuvre parue initialement en 2006 ajoute peu au texte initial, sinon en durcissant encore la démonstration qui lie l’histoire des anti-Lumières et de la Contre-Révolution aux crises de la démocratie du XXe siècle. Ainsi, parmi les auteurs incriminés, le mot n’est pas trop fort, apparaît le sociologue américain Daniel Bell, présenté dans un article de l’auteur dans le Monde diplomatique comme « le plus important théoricien néoconservateur contemporain », allégation qui paraît bien hors de propos lorsqu’on aborde son œuvre évoquée en une page rapide dans ce livre. Dans une description à charge, l’auteur convoque ceux qu’il considère comme les représentants d’un courant négatif, opposé aux Lumières et à l’idéal révolutionnaire, accusés d’avoir entraîné le monde dans l’irrationalité, le nationalisme et finalement les errements du fascisme, du nazisme, couverts par les néo-conservateurs d’aujourd’hui. En refusant de vouloir changer le monde, les penseurs de Vico à Furet, en passant par Finkielkraut, se retrouvent ainsi dans une filiation proprement dangereuse pour l’avenir du monde. Cette démonstration néglige ainsi toutes les différentes formes de Lumières et amalgame toutes les composantes des anti et contre-révolutions possibles, négligeant les oppositions que les chrétiens les plus contre-révolutionnaires ont pu manifester contre le nazisme par exemple. Les citations sont prises pour les besoins de la cause, ce qui est notamment vrai pour les pensées de Maistre et de Berlin réduites à des caricatures. Enfin en ne se situant que dans le cadre de l’histoire des idées, l’auteur ne craint pas de vouloir expliquer le cours de l’Histoire sans référence à la matérialité des actes. Il rejoint, bizarrement, le courant qu’il combat qui veut absolument faire des Lumières le creuset initial du totalitarisme. Il est difficile de rendre Vico, Burke ou Herder responsables de la montée des nationalismes pendant la Révolution française et l’Empire. La construction des mentalités et la mise en place des idéologies ne sont pas seulement dépendantes des idées exprimées par tel ou tel penseur. L’histoire sociale, économique, religieuse, politique a une épaisseur qui fait que des groupes suivent des slogans et des systèmes plus qu’ils ne se réfèrent à des positions intellectuelles claires. Il est aussi troublant de voir les Lumières unifiées malgré leurs divergences dans un bloc qui serait le portrait en creux dessiné par leurs ennemis. On ne peut que regretter que ce livre aussi érudit et aussi engagé dans la défense des Lumières se range résolument dans une écriture aussi intolérante et polémique, desservant au final la thèse qu’il prétend soutenir.

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