Complément aux mémoires de Nicolaus von Below

Publié en 1980, enfin traduit en français chez Perrin en 2019 avec une présentation de Jean Lopez, ce texte gagne à être éclairé par les archives en ligne de l’Institut für Zeitgeschichte.

On lit en effet p. 451 à propos du renvoi de Manstein, le 30 mars 1944, sous la plume de cet ancien Adjutant militaire (sur les questions aériennes) de Hitler :
“Le renvoi de Manstein et de Kleist avait essentiellement pour raison leur refus de se plier aux principes de direction du Führer. Le successeur de Manstein fut le Generaloberst Model, promu à cette occasion Feldmaréchal. Kleist fut remplacé par Schörner. Des deux remplaçants, on attendait plus de rigueur et de fermeté dans l’exécution.”

Or en s’entretenant avec un historien de Munich, le 18 avril 1971, Below déclare qu’il a aussi (c’est-à-dire comme Otto Günsche, dans une interview voisine)
“entendu Hitler dire que s’il avait les divisions et l’occasion pour lancer une nouvelle campagne offensive, il enverrait chercher v. Manstein; mais que pour des combats défensifs il avait besoin d’hommes durs comme Model, Schörner et d’autres, qui avaient tracé leur voie depuis les grades inférieurs.”

Cette dernière citation fait mieux comprendre que la première la préoccupation de Hitler avant les offensives alliées attendues pour 1944 (qui vont s’appeler Bagration à l’est et Overlord à l’ouest) : il se méfie des généraux trop mis en valeur par les campagnes précédentes (c’est sans doute aussi ce qui sera fatal à Rommel, en août) et a besoin d’hommes qui lui doivent tout, nazis convaincus de surcroît, pour mener les retraites comme il l’entend. Avec la préoccupation constante de susciter des disputes entre les Alliés, ce qui présage des décisions dictées par des préoccupations politiques, pas toujours faciles à justifier devant des officiers prestigieux.

Hitler a d’autre part toutes raisons de soupçonner ses généraux de ne pas comprendre sa volonté de “ne jamais capituler” et de “se battre jusqu’au bout”, et d’en tirer les conséquences en essayant de le renverser. Couper des têtes est un moyen de jeter le trouble dans une conspiration éventuelle.

La mise à la retraite de Canaris et l’absorption de son Abwehr par le SD, en février de la même année, procèdent de la même logique.

François Delpla
A propos de François Delpla 34 Articles
normalien (Ulm), agrégé, docteur HDR historien du nazisme et de sa guerre depuis 1990 biographe de Hitler persuadé que le nazisme a été très peu compris pendant un siècle et que son histoire scientifique débute à peine

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire