Les biographes de Martin Bormann,

c’est-à-dire les personnes qui ont écrit sur lui des livres ou de substantiels chapitres, se nomment, par ordre chronologique, Joseph Wulf, Joachim Fest, James MacGovern, William Stevenson, Lasdislas Farago, Jochen von Lang et Volker Koop.Ils ont un point commun.

Lequel ?

AUCUN N’EST HISTORIEN.

La même mésaventure est arrivée à d’autres personnalités, par exemple Charles de Gaulle, jusqu’à ce que Julian Jackson s’attelle à la tâche et en livre le produit… en 2018.

Cependant, nombre d’historiens, dont votre serviteur, avaient étudié des épisodes de la carrière du Général ou des aspects de son action.

Ici, rien. Le vide absolu. Or les biographes -essentiellement des journalistes- en avaient dit, des choses ! et les historiens les avaient plus ou moins tacitement cautionnées.

La vérité est très, mais vraiment très, différente. Je vais essayer de le démontrer ici par bribes, surtout si l’on m’interroge, avant que vous ayez mon livre à votre disposition, vers la mi-octobre.

Les termes du jugement de Nuremberg (30 septembre 1946) justifiant sa condamnation à mort par contumace offrent un assez bon résumé des considérations développées dans les décennies suivantes par les auteurs énumérés ci-dessus :

“Bormann, qui au début, avait dans le Parti un rang assez inférieur, s’éleva peu à peu jusqu’à un poste de direction et, particulièrement vers la fin du régime, exerça une grande influence sur Hitler.”

Le moteur de son ascension aurait été un arrivisme effréné. Son moyen principal, un effort constant pour discréditer les autres dirigeants nazis dans l’esprit du chef, afin de leur chiper des prérogatives. Sur cette trame les auteurs greffent volontiers, quoique de manière assez diverse, toutes sortes de traits repoussants, notamment dans sa vie privée.

Ils se trompent souvent, et souvent lourdement. Ce qui ne signifie pas que cette première biographie scientifique le présente sous un jour avenant.

Il s’agit tout bonnement d’un nazi convaincu, c’est-à-dire de quelqu’un qui voit en Hitler le seul homme capable de donner à l’Allemagne, en la tirant de l’abîme où elle est tombée en 1918, une place de premier plan dans le concert des puissances.

Il montre dans ses tâches militantes puis dirigeantes de grandes capacités, qui le rendent précieux à Hitler, mais c’est surtout lorsque les défaites s’accumulent qu’il se rend indispensable par sa foi et son indéfectible loyauté, alors que Hitler se méfie de tout le monde.

Or on ne sert pas loyalement une telle personne en toute innocence ! Le meurtre, ouvert ou déguisé, est en effet un moyen privilégié de ce chef pour imposer jusqu’au bout une politique de moins en moins comprise et populaire. C’est ainsi par exemple que, dans les suicides imposés de Rommel ou du gauleiter Bürckel, la coopération de Bormann est essentielle.

Il prend aussi une part importante dans les massacres de handicapés, fort d’une entente précoce avec les dirigeants de la médecine nazie.


François Delpla
A propos de François Delpla 34 Articles
normalien (Ulm), agrégé, docteur HDR historien du nazisme et de sa guerre depuis 1990 biographe de Hitler persuadé que le nazisme a été très peu compris pendant un siècle et que son histoire scientifique débute à peine

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