Le vol de Rudolf Hess. La version d’Ernst W. Bohle : “Hitler savait tout”

Bohle, qu'on voit ici en civil, était un personnage assez incroyable : Gauleiter de l'étranger avec rang de secrétaire d'Etat au Ministère des Affaires Etrangères, il était à la fois plus qu'un simple Gauleiter et à la fois plus qu'un simple secrétaire d'Etat. Tout comme Hess, il était né et avait grandi à l'étranger (Angleterre pour Bohle, Egypte pour Hess). Hess l'avait pris son sous son aile et était son supérieur direct en tant que chef du NSDAP. D'octobre 1940 à janvier 1941, il traduit en anglais la lettre que Hess compte remettre au duc de Hamilton une fois arrivé en Ecosse (Hess fait croire à Bohle qu'il se rendra en Suisse). 

Son fait le plus remarqué jusqu'à aujourd'hui reste d'avoir été le seul accusé à plaider COUPABLE à Nuremberg, le seul aussi à avoir dénoncé les crimes nazis et à les reconnaître en intégralité. Cela lui vaudra l'inimitié des autres nazis mais la clémence des juges (5 ans de prison seulement). Défendue par une jeune avocate, Elizabeth Gombel, il se marie avec elle, et, bien qu'il n'ait publié aucun livre après guerre, il n'a eu de cesse dans ses interrogatoires à Nuremberg comme à l'IFZ (Institut d'histoire de Munich) de livrer sa version du vol de Rudolf Hess vers l'Angleterre le 10 mai 1941. Et pour lui ça ne fait aucun doute : Hitler était au courant du vol de son dauphin vers l'Ecosse. Au cours de ces interrogatoires d'après-guerre, il fait la connaissance du Dr Kempner (que nous avons déjà croisé au sujet de Leitgen).

Robert Max Wassili Kempner était un avocat juif né en Allemagne. Il a participé à l'accusation contre Hitler suite au Putsch de la Brasserie (1923). Persécuté par les nazis arrivés au pouvoir en 1933, il fuit pour l'Amérique en 1935. Revenu en 1945 avec les vainqueurs, il participe aux enquêtes de Nuremberg et aux interrogatoires de l'IFZ jusque dans les années 60. A la retraite, il publie un livre en 1969 (Das Dritte Reich) où il rassemble des extraits de ces interrogatoires qui lui semblent les plus intéressants. Pour l'affaire du vol de Rudolf Hess, il choisit l'interrogatoire d'Ernst Wilhelm Bohle. Un bon choix ! (Kempner ne le précise pas dans son livre, mais il s'agit sûrement d'extraits de l'interrogatoire qu'il a mené lui-même le 23 avril 1947) Je cite ici son livre paru en allemand (1), jamais traduit (je donne ma traduction) :
Question : "Hitler était-il au courant du vol de Rudolf Hess vers l'Angleterre ?" 

La réponse est très longue. Je vais donc la résumer un peu. Bohle commence par rappeler que Hess l'a convoqué à intervalles irréguliers entre le 9 octobre 1940 et début janvier 1941 pour lui faire traduire en anglais une lettre destinée au Duc de Hamilton en vue d'une paix avec l'Angleterre (Hess évoque une rencontre en Suisse). C'est la fameuse lettre emportée par Hess dans son voyage et laissée en doublé à Hitler. Au cours d'une de ces entrevues, Bohle propose à Hess de l'accompagner tout simplement, il faudrait juste demander la permission au Fuhrer s'enquiert Bohle.

C'est alors que "Hess me répondit qu'Hitler ne savait rien du plan." Bohle choisit ce moment de l'interrogatoire pour enfin livrer sa version de l'histoire et dresser un argumentaire en 6 points : "J'ai toujours cru qu'Hitler savait, et je le crois encore aujourd'hui, mais je ne peux pas le prouver. Hitler est mort et Hess n'en dira jamais rien comme je le connais. J'ai les raisons suivantes pour mon opinion personnelle :

1. Je peux difficilement imaginer que Hess, qui a toujours été trop prudent et évité de prendre lui-même de grandes décisions, déciderait, et encore moins entreprendrait un projet d'une telle ampleur sans consulter Hitler.

2. Hitler avait l'habitude des coups fourrés envers son ministre des Affaires étrangères. Il a laissé Ribbentrop entamer des négociations sans en informer le ministre Neurath. Il s'est servi de son adjudant personnel Fritz Wiedemann pour s'entretenir de politique étrangère avec la princesse Hohenlohe qui était en couple avec Lord Rothermere, encore une fois à l'insu de Neurath. De la même manière, Hitler laissait Ribbentrop dans l'ignorance des négociations de Goring avec le Suédois Dahlerus, ainsi que des discussions de Rosenberg avec la Norvège. C'est pourquoi je suis d'avis qu'il est non seulement possible, mais même très probable, qu'Hitler n'ait pas choisi Ribbentrop, qui de plus était impopulaire, mais plutôt Hess, dont les inclinations anglophiles étaient connues, pour une proposition de paix aux Anglais. On sait aussi qu'à cette époque - fin de l'été ou automne 1940 - Hitler n'était pas opposé à un arrangement avec l'Angleterre.* *on peut même dire que c'est un euphémisme!

3. Un chauffeur de Hess, dont j'ai oublié le nom (2), m'a dit quelque temps après le départ de Hess, que Hess avait au début de mai 1941 eut une conversation étrangement longue de quatre heures avec Hitler à la chancellerie du Reich. (...) le 13 mai Hitler a reconnu que quelques jours avant son départ Hess lui avait demandé avec insistance s'il tenait toujours la ligne politique de «Mein Kampf» d'une amitié avec l'Angleterre et qu'il avait répondu par l'affirmative. Bien sûr, Hitler, qui était un excellent acteur, a ajouté qu'il n'avait aucune idée de ce que Hess allait faire.

4. Hess était généralement toujours très sérieux et réservé, parfois même carrément sombre, surtout depuis le début de la guerre. Après avoir commencé à préparer son plan en octobre 1940, j'ai remarqué un changement complet. Hess était de bonne humeur, très bien rangé et heureux. Je ne crois pas qu'un homme comme lui aurait été comme ça s'il avait porté le fardeau d'une entreprise aussi importante et dangereuse sans la connaissance et l'approbation d'Hitler.
5. Après le 10 mai 1941, j'ai remarqué qu'Hitler avait pris ses distances avec Hess, mais ne l'avait jamais diffamé dans ses discours ni ne l'avait dépeint comme un traître. Le combat contre Hess et tout ce qui était lié à lui a clairement commencé à partir de Bormann et a été mené de la pire des manières. J'ai aussi entendu que la femme de Rudolf Hess, qui s'était plainte à Hitler des machinations de Bormann, avait immédiatement eu gain de cause. Bormann qui avait baptisé deux de ses enfants Rudolf et Ilse, en l'honneur du couple Hess et dont le couple Hess était les parrains, les a rebaptisé et renommé (*) ! 
(*) Et on peut même ajouter que Hitler l'a reproché à Bormann quand il l'a appris !

6. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi Hitler ne m'a pas fait arrêter ni démettre. Pendant mon interrogatoire, j'ai appris des gens du SD que le mandat d'arrêt avait été acté, tout comme, bien sûr, mon renvoi, mais qu'Hitler ne l'avait pas signé. Même si je ne savais rien du vol, j'avais fait beaucoup plus que les secrétaires, chauffeurs, domestiques et autres qui eux avaient été enfermés depuis un moment. Je ne trouve pas d'autre explication à cela que le fait qu'Hitler connaissait mon implication et que Hess lui avait demandé de ne pas me punir. Les choses ont mal tourné et lui, Hitler, a été contraint de désavouer Hess. Le 14 mai 1941, Heydrich et son adjoint Müller m'ont interrogé à la Gestapo, mais je n'ai pas été arrêté. Le frère Alfred Hess, qui n'était absolument pas impliqué dans l'entreprise, a été arrêté et démis de ses fonctions(*).
(*) Alfred Hess était le bras-droit de Bohle, il travaillait sous ses ordres. C'est donc le frère de Rudolf qui prend la foudre en lieu et place de Bohle ! Il semble avoir très mal vécu cette situation (Goebbels en parle dans son journal : "Alfred Hess est effondré, anéanti"). Le seul qui s'en soit sorti psychologiquement est aussi le seul qui ait vu clair dans le jeu de Hitler : Ernst Bohle.

Je sais que tout le monde est d’avis qu’Hitler ne savait rien du plan, mais pour les raisons exposées ci-dessus, je ne peux pas souscrire à ce point de vue.
Dans la soirée du 12 mai 1941, à 20 heures, la radio allemande a diffusé la première nouvelle du départ, 48 heures après. Les formulations sont connues. Hess était, pour ainsi dire, dépeint comme mentalement pas tout à fait normal. D'après mon expérience de 1933 à 1941, je peux dire que Hess n'était certainement pas fou à cette époque, mais absolument normal. Quelque chose d'autre aurait dû me frapper à un moment donné. Bien qu'il ait des attitudes quelque peu étranges et qu'il préfère les naturopathes aux médecins, il en va de même pour beaucoup d'autres personnes. Quand je l'ai rencontré au palais de justice de Nuremberg en octobre 1945 avec Göring, von Papen et le professeur Haushofer, il a calmement affirmé qu'il ne me connaissait pas et qu'il n'avait jamais entendu parler de l'AO, mais cela faisait probablement partie de son «jeu» à l'époque. Il a expliqué plus tard au tribunal qu'il n'avait fait que simuler. Dans la nuit du 12 au 13 mai 1941, les dirigeants reçurent par télex l'ordre de se rendre à Berchtesgaden le 13 mai. C'était la première et la dernière fois que je me rendais à l’Obersalzberg. Bien sûr, je ne soupçonnais rien de bon, même si au début je ne pouvais pas relier le vol remarquable et la prétendue maladie mentale au plan tel que je le connaissais. Lorsque nous étions réunis dans la grande salle du Berghof, seuls Göring et Martin Bormann apparurent avec des visages mortellement sérieux. Bormann lut alors la lettre d'adieu de Hess à Hitler (...) Après la lecture de la lettre, Hitler est entré et a prononcé un discours dans lequel il a expliqué que Hess avait agi à son insu, était fou (...) Il a fait le vol vers l'Écosse en quatre heures seulement, ce qui était au moins une bonne réussite en vol. J'ai pensé que c'était un exploit merveilleux pour un fou, d'autant plus que, comme nous l'avons entendu plus tard, Hess a sauté à l'endroit exact où il voulait sauter, à savoir près de la propriété du duc. Un homme qui saute en parachute pour la première fois vers l'âge de 47 ans doit aussi avoir de très bons nerfs. Il est également assez surprenant de savoir pourquoi il a pu franchir toute la distance sans se faire tirer dessus au beau milieu d'une guerre. (...)" Puis, vient un grand moment de comédie de la part de Hitler,: : "J'étais alors au premier rang, Hitler a lentement regardé les hommes, puis, quand il m'a vu, il a dit: "Dites-moi, Herr Bohle, n'en saviez-vous rien?" Ce furent ses premiers mots, il n'a demandé rien d'autre. J'ai répondu que j'avais su quelque chose dans la mesure où j'avais aidé Hess à écrire une lettre au duc de Hamilton avec des propositions de paix. À quoi Hitler a répondu : « qu'avez-vous fait? Êtes-vous fou aussi, êtes-vous fou? » Et, il est venu vers moi les poings levés. Goering est intervenu dans cette situation menaçante, et a dit calmement et très calmement : "Herr Bohle, je pense qu'il est préférable que vous disiez très calmement au Führer ce que vous avez fait." Hitler s'est calmé immédiatement et je leur ai dit décrit ci-dessus et ajouté que je n'avais aucune idée de l'intention d'un vol vers l'Angleterre. A cela Hitler a répondu : "N'avez-vous pas pensé à cela?" -"A cela ? Mais, mon Führer, j'ai beaucoup réfléchi. J'ai pris pour acquis que vous saviez, et en plus, vous avez toujours fait référence à l'union de vos forces avec l'Angleterre comme l'un de vos principaux objectifs de politique étrangère.'' J'ai ajouté que j'étais obligé d'obéir au supérieur nommé par lui, Hitler, et Rudolf Hess était l'adjoint du Führer. Hitler m'emmena alors à table et me demanda, en parcourant la lettre de Hess avec moi, de lui montrer les passages qui figuraient également dans la lettre au duc. Après avoir fait ça, il a cessé de me déranger. Puis, il y a eu une conversation générale en petits groupes en présence d'Hitler pendant environ deux heures, au cours de laquelle j'ai été évité par presque tout le monde. Je suis ensuite retourné à Munich, puis à Berlin, où j'ai immédiatement été convoqué à la Prinz-Albrecht-Strasse et interrogé. A partir de là, je n'ai plus été impliqué dans toute l'affaire. (...) Hess a écrit une fois - en 1942, je crois - à son frère Alfred pour me saluer"

 Traduit depuis le texte allemand de Robert M. W. Kempner, Das Dritte Reich im Kreuzverhorr, p.104-109, 1969, Munich.

Ce témoignage est totalement recoupé par le Journal du Dr Goebbels qui note le 23 mai 1941 :

"Discuté à nouveau de l'affaire Hess avec Bohle. Il a failli participer au vol, croyant que le Fuhrer était derrière tout ça. Il a également traduit les documents de l'opération dans l'ignorance la plus totale. Il croyait que grâce à Hess, le Führer ferait la paix avec l'Angleterre sans Ribbentrop. Une hypothèse naïve." (traduit depuis la version allemande établie par Elke Fröhlich) (3)

On voit donc que Bohle ne répète pas en 1945 une version simplement pour plaire aux libérateurs, mais qu’il est sincère.

Ce témoignage est vraiment d’une qualité incroyable parce qu’il nous montre non seulement Hitler agir de concert Hess avant le vol (entrevue de 4 heures peu de jours auparavant), mais également après le vol : Hess a demandé à Hitler de ne pas sanctionner Bohle, ni sa propre femme. Mais Hitler a besoin de faire croire qu’il est très en colère et donc il a besoin d’humilier les subordonnées pour l’exemple : Pintsch en prison, Alfred Hess démissionné etc.

Ce témoignage nous renseigne non seulement merveilleusement bien sur le rôle de duettiste (pour reprendre une expression de François Delpla) que jouent Hitler et Hess jusqu’à leur mort, mais il confirme également les qualités d’honnêteté et de lucidité d’Ernst Bohle après 1945, le seul à avoir affronté ses démons les yeux dans les yeux après la guerre.

Les historiens de leur côté ignorent largement son témoignage. David Irving n’en reprend que la description de la première rencontre Hess-Bohle dans la soirée du 9 octobre (Hess, p.87-88) et la scène du 13 mai (Hitler’s war p.391) (4). Il s’abstient d’exposer la conviction de Bohle étant lui-même convaincu que Hess a agi seul. Ian Kershaw pareillement ne cite Bohle que pour sa description de la scène du 13 mai (Hitler, p.559 note 211), toujours en s’abstenant de mentionner sa conviction que Hitler était au courant, Kershaw étant lui aussi convaincu que Hess a agi seul (5).

L’historiographie ne semble pas prête à accepter l’évidence : Hitler savait. Et non seulement il savait, mais il avait tout organisé avec Hess anticipant même l’échec de la mission. La preuve : Hitler s’arrête devant Bohle lors de la réunion du 13 mai et devant personne d’autre pour lui demander s’il ne savait rien. Preuve qu’il avait calculé son coup, qu’il savait que Bohle savait.

(1) Robert M. W. Kempner, Das Dritte Reich, 1969, Munich.
(2) Joseph “Sepp” Platzer, emprisonné par la Gestapo après le 10 mai, puis prisonnier des soviétiques.
(3) Elke Fröhlich, Die Tagebücher von Joseph Goebbels, Teil II, Band 1, Juli-September 1941, Munich, 1996. 
(4) David Irving, Hitler’s war and the war path, 2000, Londres et Hess the missing years 1941-1945, 2002, Londres.
(5) Ian Kershaw, Hitler 1936-1945 : Nemesis, Paris, 2000.

La version allemande in extenso :

Gauleiter E. W. Bohle: Hitler wußte vom Flug 
Frage: Wußte Hitler über den England-Flug von Rudolf Heß? 

GAULEITER BOHLE: Etwa am 9. Oktober 1940 bestellte mich der dama-lige Stellvertreter des Führers, Rudolf Heß, plötzlich durch einen per-sönlichen Anruf abends in seine Wohnung in der Wilhelmstraße 64. Als ich dort eintraf, fragte ich den Adjutanten im Vorzimmer, Alfred Leitgen, was Heß zu dieser ungewöhnlichen Stunde von mir wolle. Leitgen erwiderte, er habe keine Ahnung und möchte es selbst gern wissen. Ich wurde sofort von Heß empfangen, der allein im Zimmer war und sich erst vergewisserte, ob die Tür zum Vorzimmer fest ge-schlossen sei. Dann sagte er etwa folgendes: »Herr Bohle, ich habe Sie gerufen, um Sie zu fragen, ob Sie bereit sind, einen sehr geheimen Sonderauftrag von mir zu erfüllen. Was ich Ihnen jetzt sage, dürfen Sie keinem Menschen sagen, auch meiner nächsten Umgebung nicht, und auch nicht meinem Bruder. Ich habe Sie ausge-sucht, weil Sie Englisch können, die Engländer kennen, genauso wie ich den Krieg mit England für ein großes Unglück halten, und weil ich in dieser Sache ein größeres Vertrauen in Sie als in irgendeinen an-deren setze. Kurz gesagt, es handelt sich darum, einen Schritt zur Be-endigung des Krieges mit England einzuleiten. Wollen Sie daran mit-wirken?« Als ich sofort bejahte und erklärte, ich würde sogar mit Begeisterung daran mitwirken, fügte Heß hinzu, daß insbesondere mein staatlicher Chef, der Reichsaußenminister von Ribbentrop, nie auch nur das Leiseste davon erfahren dürfe, denn dann würde das, was er, Heß, vorhätte, sofort sabotiert. Heß erklärte mir dann, daß er ein ausführliches Schreiben zur Vor-bereitung eines persönlichen Treffens in der Schweiz an den Herzog von Hamilton richten wolle, den er bei der Olympiade kennengelernt habe und der weitreichenden Einfluß in England habe. Seine Frage, ob ich den Herzog kenne, verneinte ich mit dem Zusatz, daß mir die Familie selbstverständlich bekannt sei; ich könne aber über den Einfluß des Herzogs leider nichts sagen. Heß berief sich dabei auf den Profes-sor Haushofer und seinen Sohn Albrecht Haushofer, die ihmgeraten hätten, an den Herzog heranzutreten. Heß gab mir dann den Entwurf eines anfangs des Briefes und bat mich, ihn ins Englische zu übertra-gen. Auf meine Frage, bis wann er die Übersetzung haben wolle, er-klärte Heß, ich dürfe den Entwurf nicht aus dem Hause nehmen, sondern sollte die Übersetzung gleich in eine schon bereitgestellte Schreibmaschine machen. Das tat ich, während Heß im Zimmer blieb. Der Brief begann etwa mit den Worten: »Auf Empfehlung meiner Freunde, Professor Haushofer und seines Sohnes Albrecht, wende ich mich an Sie.« Heß sagte mir alsdann, er würde mich wieder rufen, wenn er einen weiteren Teil des Briefes fertiggestellt habe. Das geschah etwa eine Woche später, und von dann ab in unregelmäßigen Abständen bis An-fang Januar 1941. Damals hatte ich den Eindruck, daß der Brief ziemlich fertiggestellt war bis auf einige allgemeine Schlußsätze. Ich bin nach etwa dem 7. Januar 1941 nie wieder mit der Sache befaßt wor-den, auch nicht gesprächsweise, so daß ich in den folgenden Monaten glaubte, Heß habe seine Pläne aufgegeben. Erst nach dem i o. Mai erfuhr ich, daß Heß Mitte Januar seinen ersten Startversuch unter-nommen hatte, der aber aus technischen Gründen mißlang. Er soll dann im Februar oder März einen zweiten Versuch unternommen haben, der ebenfalls wegen schlechten Wetters oder aus sonstigen Gründen schei-terte. Der dritte und letzte Versuch am i o. Mai glückte dann. Ich selbst hatte keine Ahnung, daß Heß direkt nach England fliegen wollte, da er nie eine Andeutung über diesen phantastischen Plan machte, und ich aus dem Brief, so wie ich ihn kannte, stets annehmen mußte, daß Heß und der Herzog sich in der Schweiz treffen wollten. Ich erinnere mich noch genau, daß ich eines Tages — es mag im November oder De-zember gewesen sein — Heß bat, mich als seinen Begleiter zu dem Treffen mitzunehmen, da ich ihm als Dolmetscher usw. bei den Besprechun-gen sehr nützlich sein könnte. Heß hatte damals eine nur sehr mangel-hafte Kenntnis der englischen Sprache und konnte sich nicht darin unterhalten. Ich hatte schon einmal für ihn gedolmetscht, und zwar in einem längeren Gespräch bei einem Abendessen mit der Herzogin von Windsor, die mit dem Ex-König bei ihm zu Besuch war. Auf meine Bitte, ihn zu begleiten, erwiderte Heß: »Wenn ich überhaupt jeman- den mitnehme, dann nur Sie.« Nicht uninteressant ist in diesem Zusammenhang, daß ich meine Frage an Heß folgendermaßen forrnu_ lierte: »Wenn aus Ihrem Vorhaben etwas werden sollte, schlagen Sie mich bitte dem Führer als Ihren Begleiter vor.« In seiner Antwort hat Heß kein Wort von Hitler erwähnt, mir aber auch nicht gesagt, daß Hitler von dem Plan nichts wisse. Ich war immer der Ansicht, daß Hitler Bescheid wußte und ich bin es heute noch, kann es aber nicht beweisen. Hitler ist tot und Heß wird nie etwas darüber sagen, so Wie ich ihn kenne. Für diese meine persönliche Ansicht habe ich nach-stehende Gründe:

Die Indizien für Hitlers Kenntnis

1. Ich kann mir kaum vorstellen, daß Heß, der stets übervorsichtig war und sich scheute, große Entscheidungen selbst zu treffen, ein Unternehmen von derartiger Tragweite ohne Befragung Hitlers in An-griff nehmen, geschweige durchführen würde.

2. Hitler war ein ausgesprochener Freund zweigleisiger Politik. Er ließ alle möglichen außenpolitischen Verhandlungen von dem damali-gen Sonderbotschafter Ribbentrop anknüpfen, ohne jede vorherige Befragung oder Unterrichtung des allein zuständigen Reichsaußen-ministers Frhr. von Neurath. Ebenso hat Hitlers persönlicher Adju-tant, Hauptmann a. D. Fritz Wiedemann, außenpolitische Gespräche mit der Prinzessin Hohenlohe, die mit Lord Rothermere liiert war, ohne Kenntnis Neuraths geführt. Ribbentrop wiederum hatte keine Ahnung von den hochpolitischen Verhandlungen Görings mit dem Schweden Dahlerus, von denen aber Hitler wußte. Rosenberg unter-hielt norwegische Beziehungen — mit Hitlers Kenntnis —, von denen Ribbentrop als Reichsaußenminister zunächst auch nichts wußte. Des-halb bin ich der Meinung, daß es nicht nur möglich, sondern sogar sehr wahrscheinlich ist, daß Hitler für einen Friedensschritt bei den Eng-ländern nicht den dort mehr als unbeliebten Ribbentrop, sondern Heß aussuchte, dessen anglophile Neigungen bekannt waren. Außerdem ist es bekannt, daß Hitler um diese Zeit — Spätsommer bzw. Herbst 194o jedenfalls einem Arrangement mit England nicht abgeneigt war.

3. Ein Chauffeur von Heß, dessen Name mir entfallen ist, sagte mir

einige Zeit nach dem Abflug von Heß, Heß habe Anfang Mai 1941 also kurz vor seinem Flug, eine merkwürdig lange, etwa vier Stunden dauernde Unterredung mit Hitler in der Reichskanzlei gehabt. Ich weiß, daß Heß schon seit Kriegesbeginn sehr selten bei Hitler war und es immer vermied, ihn lange in Anspruch zu nehmen. Hitler selbst sagte am 13. Mai 1941 in seiner Ansprache auf dem Obersalzberg an die leitenden Männer, bei der ich zugegen war, daß Heß ihn wenige Tage vor seinem Abflug insistierend gefragt habe, ob er, Hitler, noch zu seinem in »Mein Kampf« niedergelegten Programm eines Zusam-mengehens mit England stünde, was er bejaht habe. Natürlich fügte Hitler, der hervorragend schauspielern konnte, hinzu, er habe nicht geahnt, was Heß damit bezweckt habe.

4. Heß war normalerweise stets sehr ernst und zurückhaltend, manch-mal sogar geradezu düster, besonders seit Kriegsbeginn. Nachdem er mit den Vorbereitungen für seinen Plan im Oktober 194o begann, fiel mir eine völlige Wandlung auf. Heß war blendender Laune, sehr auf-geräumt und fröhlich. Ich glaube nicht, daß ein Mann wie er so ge-wesen wäre, wenn er ohne Kenntnis und Billigung Hitlers die Last eines so bedeutungsvollen und gefährlichen Vorhabens zu tragen ge-habt hätte.

5. Mir fiel nach dem Ios Mai 1941 auf, daß Hitler sich zwar von Heß distanzierte, ihn aber nie in seinen Ansprachen diffamierte oder als Verräter hinstellte. Der Kampf gegen Heß und alles, was mit ihm zusammenhing, ging eindeutig von Bormann aus und wurde in übel-ster Weise geführt. Ich hörte auch, daß die Frau von Rudolf Heß, die sich über die Machenschaften Bormanns bei Hitler beschwerte, so-fort ihr Recht bekam. Bormann ließ sogar seine zwei Kinder, Rudolf und Ilse, bei denen Rudolf Heß und seine Frau Ilse Pate gestanden hatten, umtaufen bzw. umbenennen!

6. Völlig rätselhaft ist es mir, wenn Hitler ahnungslos gewesen sein soll, warum meine Absetzung und Verhaftung nicht vorgenommen wurde. In der Internierung erfuhr ich von SD-Leuten, daß der Ver-haftungsbefehl fertiggestellt war, ebenso selbstverständlich meine Ab-setzung, daß aber Hitler sie nicht unterschrieben habe. Ich hatte schließlich, auch wenn ich von dem Flug an sich nichts wußte, erheblich mehr mitgewirkt, als die Sekretärinnen, Chauffeure, Diener und an-dere, die einige Zeit eingesperrt waren. Ich kann dafür keine andere Erklärung finden, als die, daß Hitler von meiner Mitwirkung wußte und von Heß gebeten worden war, mich nicht zu bestrafen, falls die Sache schief ginge und er, Hitler, genötigt sei, Heß zu desavouieren, Ich wurde am 14. Mai 1941 auf der Gestapo von Heydrich und seinem Vertreter Müller, eingehend vernommen, aber nicht verhaftet. Der , Bruder Alfred Heß, der an dem Unternehmen völlig unbeteiligt war, , wurde verhaftet und seines Amtes enthoben.

Ich weiß, daß alle anderen der Meinung sind, Hitler habe von dem Plan nichts gewußt, aber ich kann mich aus vorstehenden Gründen die-ser Ansicht nicht anschließen.

Am 12. Mai 1941 abends 20.00 Uhr brachte der deutsche Rundfunk die erste Nachricht von dem Abflug, also 48 Stunden später. Die For-mulierungen sind bekannt. Heß wurde sozusagen als geistig nicht ganz normal hingestellt. Dazu kann ich aus meiner Erfahrung von 1933 bis 1941 sagen, daß Heß in dieser Zeit bestimmt nicht geisteskrank, son-dern durchaus normal war. Etwas anderes hätte mir irgendwann mal auffallen müssen. Er hatte zwar in bezug auf Ärzte etwas eigenartige Ansichten und bevorzugte Heilpraktiker, aber das tun viele andere Leute auch. Als ich ihm im Nürnberger Justizpalast im Oktober 1945 zusammen mit Göring, v. Papen und Professor Haushofer gegenüber-gestellt wurde, hat er zwar seelenruhig behauptet, mich nicht zu ken-nen und von der AO nie etwas gehört zu haben, aber das gehörte wohl zu seinem damaligen »Spiel«. Er hat ja auch später dem Gericht erklärt, daß er nur simuliert hätte.

In der Nacht vorn 12. zum 13. Mai 1941 wurden die leitenden Män-ner fernschriftlich angewiesen, sich am 13. Mai in Berchtesgaden ein-zufinden. Es war das erste und einzige Mal, daß ich am Obersalzberg war. Mir ahnte natürlich nichts Gutes, obwohl ich zunächst den merk-würdigen Flug und die angebliche Geisteskrankheit nicht mit dem Plan, wie ich ihn kannte, in Zusamenhang bringen konnte. Als wir im großen Zimmer des Berghofs versammelt waren, erschienen erst Göring und Martin Bormann mit todernsten Gesichtern. Bormann ver-las dann den Abschiedsbrief von Heß an Hitler, den ein Adjutant — ich glaube, Pintsch überbracht hatte. Da dieser Brief in vielen Teilen genau die Gedankengänge enthielt, die im Heß-Schreiben an den Her-zog von Hamilton enthalten waren, wurde mir sofort klar, was los war. Nachdem der Brief vorgelesen war, kam Hitler herein und hielt eine Ansprache, in der er erklärte, daß Heß ohne sein Wissengehan-delt habe, geisteskrank sei und das Reich in eine unmögliche Lage gegenüber seinen Bündnispartnern, besonders Italien und Japan, ge-bracht habe. Er habe Ribbentrop sofort nach Italien gesandt, um den Duce zu beruhigen, der ja annehmen müsse, daß Deutschland hinter seinem Rücken durch Heß mit England habe verhandeln wollen. Er sei tief enttäuscht von Heß und habe Bormann nunmehr zu dessen Nachfolger ernannt. Heß sei immer etwas spleenig gewesen, habe die komischsten Leute um sich versammelt, insbesondere Astrologen, habe gegen sein ausdrückliches Verbot laufend Flugübungen gemacht, sich ein Spezialflugzeug bei Messerschmitt ausstatten lassen, habe sich seit Monaten regelmäßig Wettermeldungen geben lassen, und habe völlig unbeanstandet und ganz allein in vier Stunden den Flug nach Schott-land geschafft, was immerhin eine gute fliegerische Leistung sei. Mein Gedanke dabei war, daß das für einen Irren eine fabelhafte Leistung war, zumal Heß, wie man später hörte, ungefähr genau da abgesprun-gen ist, wo er abspringen wollte, und zwar in der Nähe des Gutes des Herzogs. Ein Mann, der im Alter von etwa 47 Jahren zum ersten Mal einen Fallschirmabsprung macht, muß auch ziemlich gute Nerven ha-ben. Es ist auch ziemlich rätselhaft, wieso er alle Luftsperren mitten im Kriege unbeanstandet passieren konnte.

Nachdem Hitler geendet hatte, lehnte er sich gegen den großen Tisch am Fenster, und die versammelten Herren, etwa 60 oder 70, standen im Halbkreis um ihn herum. Kein Mensch sprach ein Wort. Ich ver-suchte, mich nach der vordersten Reihe durchzuschlängeln, um Bor-mann zu sagen, daß ich dem Führer etwas zu melden hätte, da ich entschlossen war, meine Beteiligung von mir aus mitzuteilen. Als ich in der ersten Reihe stand, sah sich Hitler langsam die einzelnen Män-ner an und sagte dann, als er mich erblickte: »Sagen Sie mal, Herr Bohle, haben Sie denn nichts davon gewußt?« Das waren seine ersten Worte, er fragte keinen anderen. Ich antwortete, daß ich insofern etwas gewußt hätte, als ich Heß geholfen hätte, dem Herzog von Hamilton einen Brief mit Friedensvorschlägen zu schreiben. Darauf Hitler: »Was haben Sie gemacht? Sind Sie auch wahnsinnig geworden, sind Sie verrückt?« und kam mit erhobenen Fäusten auf mich zu. In diese bedrohliche Situationgriff Göring ein, der ganz leise und ruhig sagte: »Herr Bohle, ich glaube, es ist wohl das Beste, Sie erzählen dem Führer ganz ruhig, was Sie gemacht haben.« Hitler beruhigte sich so-fort, und ich erzählteden oben geschilderten Hergang und fügte hinzu, ich hätte von der Absicht eines Fluges nach England keine Ahnung gehabt. Darauf Hitler: *Haben Sie sich denn nichts dabei gedacht j„ Darauf .Dodl, mein Führer, ich habe mir dabei sehr viel gedacht. Ich nahm als selbstverständlich an, Sie wüßten Bescheid, und außer. dem haben Sie ein Zusammengehen mit England stets als eines Ihrer vornehmsten außenpolitischen Ziele bezeichnet.« Ich fügte noch hinzu, daß ic verpflichtet gewesen sei, dem mir von ihm, Hitler, bestimmten Vorgesetzten zu gehordien, und das sei der Stellvertreter des Führers, Rudolf Heß, gewesen. Hitler holte mich dann an den Tisch heran und forderte mich auf, indem er mit mir den Brief von Heß durchging, ihm die Stellen zu zeigen, die auch in dem Brief an den Herzog vor-kämen. Nachdem ich das getan hatte, hat er sich nicht mehr mit mir beschäftigt. Es fand dann noch etwa zwei Stunden eine allgemeine Unterhaltung in kleinen Gruppen in Gegenwart Hitlers statt, bei der ich von fast allen gemieden wurde. Ich fuhr dann nach München zu-rück und alsdann nach Berlin, wo ich gleich zur Prinz-Albrecht-Straße bestellt und vernommen wurde. Von da ab wurde ich mit der ganzen Sache nicht mehr befaßt. Zu dem Inhalt des Briefes selbst kann ich nur sagen, daß Heß einen Frieden mit England auf der Basis des status quo anstrebte, Bespre-chungen über die Kolonien forderte und seitenlange, geradezu prophe-tische Darstellungen des gegenseitigen Luftkrieges und seiner furcht-baren Folgen bei Fortdauer des Konflikts gab. Der Brief ist offenbar nie abgesandt worden, sondern diente Heß wohl als aide rn&noire für seine persönlichen Besprechungen nach seiner Ankunft in England. Heß schrieb mal — ich glaube 1942 — an seinen Bruder Alfred, er solle mich grüßen und mir sagen, er habe meine englischen Sprachkenntnisse sehr gut verwenden können.

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